De la Sèvre à la mer de Chine...

 

 

C'était en 1915, vers la fin septembre. Les gendarmes étaient descendus au Chêne pour appréhender un « déserteur ». Ils étaient entrés chez Auguste Jouy, un modeste cultivateur qui habitait alors dans le bas du village, et avaient arrêté son neveu, Auguste Rouaud, un matelot de 21 ans...

Le jeune marin était né au Chêne en 1894 des amours tardives entre Joséphine Jouy et Jean Marie Rouaud qui travaillait à la carrière du coteau alors en pleine activité. Orphelin de mère dès l'âge de 14 mois, il avait été élevé tant bien que mal par son carrier de père. Mais, c'est bien connu, « le sort s'acharne sur les miséreux », et l'enfant perdit son père alors qu'il n'avait que 13 ans. Son oncle maternel, Auguste Jouy, devint son tuteur.

Bientôt parvenu à l'âge de gagner sa vie et ayant toujours promené ses galoches sur les bords de la Sèvre, notre orphelin se tourna tout naturellement vers la « navigation ». C'est pourquoi, quelques années plus tard, à l'âge de la conscription, notre « moussaillon » devint « inscrit maritime du quartier de Nantes,  sous le numéro 6013 ». Envoyé à Lorient, au 3ème Dépôt des Equipages de la Flotte, Auguste se retrouva matelot de troisième classe en juillet 1914, moins d'un mois avant la déclaration de guerre... Après un passage au 1er Régiment de Marins où il reçut une formation militaire, il fut affecté, en août 1915, à l'équipage du croiseur-cuirassé Pothuau.

 

 

 

Le Pothuau : 113 m de long, 459 hommes d'équipage,

12 canons, 4 tubes lance-torpilles

 

 

Et puis, un beau matin, Auguste manque à l'appel... A-t-il « oublié » de rentrer après une permission ? Ou bien l'ennui, le mal du pays, la perspective d'une longue campagne, ou quelque autre raison, l'ont-ils poussé à commettre l'irréparable ? L'escapade sera évidemment de courte durée et Auguste sera ramené manu militari à Lorient où son bâtiment est toujours à quai. Pour une fois, Auguste aura beaucoup de chance : l'accusation qui pèse sur lui, gravissime en temps de guerre, est sans doute « requalifiée » et il en est quitte pour un séjour en détention... En effet, le nom de notre matelot se trouve bien sur le rôle de l'équipage lorsque le Pothuau appareille enfin le 2 janvier 1916 à 12h10...

Commence alors pour Auguste le voyage de sa vie. Gibraltar, la Méditerranée, Port Saïd, le canal de Suez, la mer Rouge, Djibouti, puis l'océan Indien, Aden, Colombo, Singapour, et, enfin, la mer de Chine méridionale, Saïgon, Tourane, Haïphong... De longues escales au soleil et pas un navire ennemi en vue, pas un coup de canon ! Le 6 août 1917, le Pothuau quitte le Tonkin et prend enfin le chemin du retour. Notre Chênois et ses camarades retrouveront la métropole à Toulon, au début d'octobre, après une campagne de 21 mois...

 

 

 

Au bord de la Sèvre... ou de la Rivière de Saïgon ? 

 

 

 

 

 

Mis en ligne en décembre 2015

 

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