Une "ténébreuse" affaire

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Dans la première moitié du XXème siècle, et même jusqu'aux années 1960, la composition sociologique de sa population faisait du Chêne comme un « faubourg populaire » du bourg de Vertou dont l'image, par contraste, paraissait beaucoup plus paisible. Les nombreux titres de la presse régionale d'avant-guerre, friands des moindres faits-divers, rapportent fréquemment et avec force détails les altercations qui éclatent entre voisins ou qui dégénèrent, après boire, dans l'un ou l'autre des quatre débits de boisson1 du village... À titre d'exemple, L'Écho de la Loire du 25 mai 1939 rapporte une « bataille rangée entre hommes et femmes dans un café du Chêne ».

 

http://lecheneenvertou.e-monsite.com/medias/files/l-echo-de-la-loire.png

 

C'est dans la soirée du dimanche 21 qu'éclate cette étrange bagarre au Café Boiziau2. Les consommateurs, parmi lesquels, comme chaque dimanche, figurent quelques promeneurs nantais attardés, sont encore nombreux et certains sont sans doute un peu « fatigués ». L'heure de la fermeture approche quand soudain des éclats de voix se font entendre ; une « discussion » commence à s'envenimer au point que « le cafetier jugea prudent d'alerter les gendarmes »...

« À peine venait-il de le faire » qu'on en vient aux mains. Le pugilat dégénère et une chaise vole au plafond, brisant « le globe électrique » et plongeant la salle dans l'obscurité. Cet « incident » calme-t-il les ardeurs belliqueuses des uns et des autres ? Que nenni ! La bagarre redouble, les coups pleuvent, à l'aveuglette, et « la mêlée devient générale » !

Au bout d'un moment, interminable pour le cafetier, les gendarmes arrivent enfin, ramènent péniblement le calme puis procèdent à des interrogatoires séparés des douze « combattants », huit hommes et quatre femmes. Le rapport de gendarmerie nous permet de connaître leur identité : cette drôle de bagarre avait impliqué cinq Vertaviens, dont quatre Chênois, et sept Nantais, tous âgés de 18 à 59 ans. L'échotier nous en donne d'ailleurs une liste détaillée3 comme on ne craignait pas de le faire à cette époque.

Le plus drôle est pour la fin : « Parmi ces consommateurs, certains furent blessés mais comme ils ignorent quels sont les auteurs des coups, ils ont porté plainte contre inconnu »...

Mis en ligne le 13 juillet 2023

 

Notes :

1 – On compte, à cette époque, quatre cafés au Chêne : http://lecheneenvertou.e-monsite.com/medias/files/carte-cafes-1999.pngprès du pont, à l'entrée de l'actuelle rue de l'Industrie, le café-épicerie Potier, auparavant appelé « Buvette du Coteau » ; sur la place, le café Potinière, qui deviendra plus tard le « Café des Pêcheurs » à l'emplacement de l'actuel café-restaurant « le Muutch » et le café Lemerle, « Aux Amis Réunis », qui deviendra plus tard le « Café du Rêve », puis au début du XXIème siècle la « Cave de l'Inattendu » ; le quatrième se trouvait « en haut du Chêne », au coin du Chemin du Moulin, c'était le café-épicerie Boiziau, auparavant appelé « À la Boule d'Or » et aujourd'hui transformé en maison d'habitation.

2 – L'ancien café « À la Boule d'Or », racheté entre les deux guerres par l'Union des Coopérateurs de la Loire-Inférieure était devenu un café-épicerie dont la gérance était alors confiée à Pierre Boiziau, mutilé de guerre, originaire de la Grammoire. Ce dernier mourut peu après, en juillet 1939, et l'Union des Coopérateurs fut liquidée judiciairement en septembre de la même année. Le café-épicerie a alors été racheté par Renée Renou, veuve Bourban, en octobre 1939.

3 – « Ernest Pénisson, 38 ans, ajusteur, au Chêne ; Henri Blineau, 18 ans, plâtrier, au Chêne ; Auguste Giteau, 25 ans, manœuvre, au Chêne ; Marcel Bachelier, 30 ans, manœuvre, à la Buronnerie ; Henri Vonthron, 19 ans, boulanger, à Nantes ; Marcelle Vonthron, 18 ans ; Ernest Lodého, 26 ans, maçon, au Chêne ; Joseph Rousseau, 26 ans, boulanger, rue Buffon ; Marcelle Filiatre, 31 ans, manœuvre, rue de l'Abreuvoir ; Madeleine Flageul, 32 ans, mécanicienne, rue Léon Jamin ; Pierre Brénugat, 22 ans, soldat au 65ème R.I., en permission régulière ; Mme Charles Brénugat, 59 ans, brocanteuse. »

 

Source : L'Écho de la Loire, édition du 25 mai 1939 (A.D.L.A.).

 

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