La colère d'un fils (mars 24)

Voilà cent ans les habitants du Chêne faisaient souvent parler d'eux dans la presse locale. « La classe laborieuse » qui peuplait majoritairement le village y vivait le long d'étroites ruelles dans de petites habitations aux loyers bon marché. Cette promiscuité forcée favorisait inévitablement frictions et altercations. Les écarts de conduite de l'un ou de l'autre étaient alors pain béni pour les nombreux petits journaux de l'entre-deux-guerres qui trouvaient là le moyen rêvé de remplir leurs colonnes à moindre frais. Les échotiers, qui fréquentaient assidûment la gendarmerie de Vertou, prospéraient sur la veine inépuisable des faits-divers... En voici un simple exemple extrait de L'Écho de la Loire daté du 30 mars 1924 :

« À coups de tête – Le nommé Joseph Giteau, 18 ans, ouvrier verrier, demeurant chez son père au village du Chêne, a brisé à coups de tête, dans un moment de colère, les carreaux de la porte de ses voisins Péneau auxquels il en veut parce que ces derniers reçoivent trop souvent sa mère qui vit séparée de son père. La gendarmerie a verbalisé contre ce jeune homme pour bris de clôture ».

En 2024, la « médiatisation » de ce banal accès de colère et son traitement immédiat par la gendarmerie de Vertou laissent rêveur... Dans notre société marquée par des violences autrement plus nombreuses et plus graves, dans laquelle les références morales et le contrôle social se sont effondrés, cet entrefilet porterait même à sourire s'il ne révélait le malheur authentique d'un jeune homme. Notre société « évoluée », saturée d'images et de violences en tous genres, resterait indifférente devant un tel enfantillage. Pourtant, par comparaison, et comme « en creux », la relation de cet événement insignifiant en dit long sur la société villageoise d'alors et sur la distance "astronomique" qui nous en sépare un siècle après...

 

Toits bat

Mis en ligne le 25 mars 2024

 

 

 

 

 

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